Le ralentissement de l’immobilier américain va peser sur la stratégie de la Fed en 2019
Christopher Dembik
Responsable de l'analyse macroéconomique
A l’exception de l’immobilier, on peut supposer que le président Trump a tout à fait raison : l’économie américaine est en parfaite santé. Le problème, c’est que l’immobilier est un facteur de croissance clé pour l’économie américaine. Les investisseurs, ainsi que la Fed, doivent réaliser que le ralentissement actuel constitue un signal inquiétant pour 2019, principalement pour trois raisons :
- Les prix de l’immobilier aux Etats-Unis sont de nouveau en hausse. L’indice national Case-Shiller a presque atteint son niveau d’avant-crise. De nouvelles villes en plein boom sont apparues pour remplacer Miami et Las Vegas. Dans certaines villes, les prix sont jusqu’à 50% plus élevés que lors de leur précédent pic d’avant-crise.
- Le ralentissement de l’immobilier est préoccupant car il se produit alors que la confiance des consommateurs est à un point haut. Le problème principal semble concerner le coût d’acquisition élevé des logements et la crainte de taux d’intérêt plus importants.
- Il s’agit d’un signal baissier majeur pour l’économie américaine puisque le secteur immobilier tend à être un indicateur avancé du cycle économique. Cela aura des conséquences importantes sur la politique monétaire de la Fed en 2019, car l’immobilier pourrait remplacer le marché du travail en tant que principal centre d’intérêt et de préoccupation.
Le marché de l’immobilier s’est complètement remis de la crise
L’indice national Case-Shiller a presque atteint son niveau d’avant la crise financière. De nouvelles villes en plein essor ont pris le relais de Miami et Las Vegas, où les prix des logements sont inférieurs à leur niveau d’avant 2007. A Boston, les prix sont 33% plus élevés que leur précédent pic, à Seattle et à Dallas, la progression est d’environ 60% (graphique 1).
Toutefois, contrairement à 2007, l’endettement des ménages est plus soutenable puisque le ratio de la dette des ménages par rapport au revenu net disponible est d’environ 109% contre 142% en 2007.
Le ralentissement actuel se produit alors que la confiance des consommateurs est au plus haut
Au cours des derniers mois, le ralentissement du marché immobilier a été de plus en plus important. Les dernières données indiquent que le moral des constructeurs immobiliers a chuté à 60 points, soit le plus bas niveau depuis l’été 2016. Les mises en chantiers ont considérablement ralenti depuis janvier dernier, mais l’essentiel du ralentissement provient des habitats collectifs (graphique 2).
En outre, les ventes de maisons existantes connaissent leur sixième mois consécutif de baisse. Cela ne s’est produit que trois fois au cours des 20 dernières années : en 1999 (avant l’éclatement de la bulle internet), en 2007 (pendant la crise du logement) et en 2013 (graphique 3).
Cette baisse régulière est plutôt surprenante étant donné qu’elle se produit alors que la confiance des consommateurs est à un niveau élevé.
La dégradation des conditions d’achat de logements s’explique essentiellement par des conditions financières moins favorables, essentiellement des prix trop élevés et des taux d’intérêt qui augmentent :
- 21% des ménages américains mentionnent les prix d’achat élevés comme raison principale de ne pas accéder à la propriété, soit le plus haut niveau depuis fin 2006 (graphique 4)
- 75% des ménages anticipent une hausse des taux d’intérêt d’ici un an, soit le plus niveau le plus élevé depuis début 2007 (graphique 5)
- 4% seulement des ménages s’attendent à des taux plus bas dans les douze prochains mois (graphique 6)
Le ralentissement du marché immobilier constitue un signal baissier majeur pour l’économie américaine
Le marché immobilier américain est souvent un bon indicateur avancé de l’économie américaine :
- Le cours des ventes de bois d’œuvre, qui est un bon baromètre du secteur de la construction et un indicateur avancé du cycle économique, a fortement chuté depuis le printemps dernier (graphique 7)
- L’investissement résidentiel, qui a contribué de manière constante et significative au ralentissement économique avant les récessions, a enregistré sa troisième baisse trimestrielle consécutive depuis fin 2008/début 2009 (graphique 8)
Conclusion : Le pic du marché de l’immobilier est déjà derrière nous et le ralentissement actuel indique une croissance plus faible aux Etats-Unis
Jusqu’à présent, le marché a accordé très peu d’attention à l’accélération du ralentissement du marché immobilier, car les investisseurs ont été trop occupés par le risque politique. Il s’agit pourtant d’une évolution majeure qui constitue un signal supplémentaire que l’économie américaine arrive en fin de course et que nous devons nous attendre à une croissance plus faible l’an prochain.
Ce ralentissement de l’immobilier aura de profondes répercussions sur la politique monétaire de la Fed, car des taux plus élevés risquent de faire entrer le secteur en récession. Les ménages américains ne sont plus habitués à un taux hypothécaire aussi élevé, proche de 5% (graphique 9). Si cette tendance négative se poursuit, cela pèsera sur le processus de normalisation de la politique monétaire et pourrait inciter la Fed à adopter un ton un peu plus accommodant après la hausse de décembre.
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