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Head of Macroeconomic Research
Relevé: La flambée des prix des denrées alimentaires ronge le pouvoir d’achat des ménages dans les pays développés. Le quintile des 15-20 % de revenus les plus faibles est le plus vulnérable, au vu des records atteints par les prix des denrées alimentaires. Même avec des salaires plus élevés, la plupart des ménages ne sont pas en mesure de faire face à cette nouvelle situation et doivent faire des compromis difficiles.
L’indice des prix des denrées alimentaires publié par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a augmenté de 12,6 % entre février et mars. Il se situe désormais à son niveau le plus élevé depuis 1990 (date de sa création). Le précédent record datait de 2011 (l’indice se situait alors à 137, par rapport à 159 aujourd’hui) – voir le graphique ci-dessous. Ce sont des facteurs à la fois temporaires et structurels qui poussent les prix des denrées alimentaires à la hausse au niveau mondial. Le coût élevé de la main-d’œuvre, les tarifs du fret maritime qui augmentent régulièrement depuis plus d’un an, la hausse du coût des matières premières, les mauvaises conditions météorologiques (canicule en Inde et au Pakistan en ce moment, par exemple), les restrictions à l’exportation, la forte demande de divers aliments (poulet et autres viandes dans plusieurs pays développés) et la forte demande de biocarburants, entre autres, ont accru la demande spéculative des négociants non commerciaux.
Explication : L’indice FAO des prix des produits alimentaires est une mesure de la variation mensuelle des prix internationaux d’un panier de produits alimentaires. Il est constitué de la moyenne des indices de prix de cinq groupes de produits, pondérés par les parts moyennes des exportations de chacun des groupes sur la période 2014-2016. Consultez cet article pour plus de détails techniques sur la constitution de l’indice.
Il faut s’attendre à ce que la situation continue de s’aggraver, au moins à court terme. Nous savons déjà combien les pays émergents et en développement sont vulnérables aux fluctuations des prix des denrées alimentaires (32 pays d’Afrique importent environ 90 % de leurs aliments de base). Cela entraîne une plus grande instabilité politique dans les pays émergents. Mais ce qui change, c’est que les pays développés sont eux aussi durement touchés par la flambée des prix. Plusieurs pays développés connaissent de fortes augmentations de salaires depuis la réouverture de l’économie (même dans la zone euro, où les salaires rattrapent enfin leur retard). Cependant, cela ne suffit pas pour faire face à une inflation plus élevée. Selon notre scénario de base, le quintile des revenus les plus faibles dans les pays développés (environ 15 à 20 % des ménages) sera confronté à une forte pression sur les revenus dans les mois à venir.
De nombreux produits alimentaires sont inélastiques par rapport au prix, c’est-à-dire insensibles au prix, mais pas tous. On dit que les prix des produits sont inélastiques lorsqu’une augmentation de prix n’entraîne pas une baisse de la consommation (la plupart du temps, parce que les articles sont considérés comme essentiels). Selon le département américain de l’alimentation, l’élasticité au prix de la demande des ménages américains pour le pain et les céréales est de 0,04. Quand un chiffre est bien inférieur à 1,0, l’article est insensible au prix. C’est logique. Le pain et les céréales sont souvent des articles de base de la liste de courses des ménages les plus pauvres. Et il n’en existe pas de substitut immédiat. Les études montrent que seule une augmentation importante des prix des produits de base peut entraîner une baisse de la consommation. On entend par là une augmentation à deux chiffres. Le département américain de l’alimentation prend l’exemple d’une augmentation de 25 % du prix du pain qui entraîne une baisse de 1 % de la consommation. Toutefois, certains produits alimentaires sont élastiques par rapport au prix, comme la nourriture servie dans les restaurants, les jus de fruits, les sodas, etc. Selon le département américain de l’alimentation, une augmentation de 10 % du prix des boissons sucrées devrait en réduire la consommation de 8 à 10 % en moyenne. Les ménages les plus pauvres doivent maintenant choisir entre manger des pâtes ou de la viande fraîche. C’est aussi simple que cela. Une étude française de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) révèle que lorsque le prix des céréales et des pâtes augmente de 1 % en moyenne, la quantité de viande consommée, par exemple, diminue de 0,23 %. Les ménages renoncent en fait à ce qu’ils considèrent comme les produits les plus chers ou les plus « luxueux » de leur liste de courses.
La hausse des prix des denrées alimentaires entraînera une baisse importante de la consommation. Dans le contexte actuel de forte inflation prolongée, la consommation de produits alimentaires essentiels (prix inélastiques) restera probablement stable dans la plupart des pays développés. En revanche, la consommation diminuera pour les autres produits alimentaires et les dépenses superflues (voyages, électronique, hôtels, etc.). Plusieurs pays enregistrent déjà une baisse significative de la consommation. En France, la consommation de biens des ménages a baissé de 1,3 % en mars 2022, en termes de volume. Cette baisse s’explique principalement par un recul de la consommation alimentaire (moins 2,5 %). Dans le détail, cela ne concerne que la demande alimentaire inélastique (bonbons et sucre, œufs, fromages, etc.). Cette situation est préoccupante. Dans la plupart des pays développés, la consommation est le principal facteur de croissance économique. Cette situation augmente le risque de stagflation ou, dans certains cas, de récession (typiquement au Royaume-Uni). Il faut également s’attendre à des tensions politiques. D’où je me trouve actuellement (dans les bureaux de Saxo Bank à Paris), je ne serais pas surpris que la France connaisse des manifestations massives après les vacances d’été, les citoyens descendant dans la rue pour protester contre la hausse du coût de la vie et des prix des denrées alimentaires (rappelez-vous, le mouvement des Gilets jaunes de 2018 avait pour origine l’augmentation des prix du carburant). Une chose est sûre, nous ne connaîtrons pas de nouvelles années folles, contrairement à ce que plusieurs collègues ont cru lors de la réouverture de l’économie des pays développés au printemps dernier. Les perspectives économiques sont plus sombres.