Chaque chose en son temps
Christopher Dembik
Responsable de l'analyse macroéconomique
Il est évident que les turpitudes boursières ne sont pas encore terminées. L’absence de pause de la part de la Réserve Fédérale américaine (Fed), qui était largement prévisible, va contribuer à un maintien de l’aversion au risque à un niveau élevé. Même si les valorisations de plusieurs secteurs comme la tech et les petites valeurs sont désormais très attractives, il convient d’être prudent. Le retour à l’achat sur les actions doit se faire par étape et induire une focalisation d’abord sur les actifs les plus liquides (les grandes capitalisations du CAC 40 par exemple). Nous avions évoqué récemment le parcours intéressant de Stellantis ou de Renault, entre autres. Étant donné le contexte actuel, on peut également envisager une exposition plus forte au marché obligataire (via les obligations à haut rendement des entreprises, mais avec parcimonie). On ne le répètera jamais assez, dans ce marché plutôt compliqué, il n’y a pas d’autres solutions que la diversification (et certainement une dose de stratégie short).
- Il n’y avait pas beaucoup de statistiques hier. Comme prévu, la Banque d’Angleterre a augmenté son taux directeur de 75 points de base. En outre, le rapport de la Banque des Règlements Internationaux publié la semaine dernière confirme la domination incontestée du dollar américain. C’est la devise la plus liquide et elle figure systématiquement parmi les paires de devises les plus échangées sur le marché des changes. Ainsi, l’EUR/USD représente 22% des échanges depuis le début de l’année, l’USD/JPY 15% et l’USD/GBP 9,5%. Ceux qui espèrent un déclin du billet vert devront encore patienter.
- Pendant chaque grande crise, on cherche à stigmatiser certaines entreprises ou certains secteurs d’activité présentés comme des ‘profiteurs de guerre’. Pendant la guerre de 1914-18, c’était le comité des Forges (patronat de la sidérurgie). Afin de limiter l’effet d’aubaine, une loi sur les bénéfices de guerre exceptionnels fut instaurée en 1916. La même chose se produit aujourd’hui, avec en ligne de mire en particulier le secteur énergétique (les entreprises pétrolières). C’est le cas en France (évidemment). Mais aussi dans les pays anglo-saxons. Outre-Manche, le débat porte sur un doublement du prélèvement sur les bénéfices. Si cela se produisait, cela représenterait une taxation à hauteur d’1,4 milliard d’euros juste pour la compagnie pétrolière BP la première année (à toutes fins utiles, cela représente 56% de ce que BP a rendu à ses actionnaires via des rachats d’actions au cours des trois derniers mois). Aux Etats-Unis, c’est le président Joe Biden qui a proposé de viser les entreprises pétrolières. Mais cela a peu de chances de se produire. En juin dernier, l’administration Biden avait proposé de suspendre la taxe fédérale sur l’essence mais le Congrès (contrôlé pourtant par le Parti démocrate) ne l’a pas suivi. On voit mal comment cela pourrait aboutir après les élections de mi-mandat qui devraient constituer une défaite pour les Démocrates (date du scrutin : 8 novembre). On notera que taxer n’est pas toujours une solution miracle. En 1980, l’administration Carter avait obtenu un accord du Congrès pour taxer davantage les entreprises pétrolières. Cela avait rapporté 80 milliards de dollars sur huit ans, mais cela avait aussi abouti à une baisse de la production pétrolière de 8% sur la même période. C’est logique. Les entreprises pétrolières font des arbitrages lorsqu’elles sont confrontées à un surplus de taxation. Elles investissent souvent moins. En ce moment, pour garantir un prix du baril plus bas (ce qui va être un challenge), nous avons justement besoin qu’elles continuent d’investir massivement dans les infrastructures énergétiques. La taxe n’est donc pas la solution certainement idéale si nous souhaitons renouer avec des prix plus bas.
- Beaucoup d’investisseurs réfléchissent sérieusement à revenir sur les petites valeurs (small cap). Le CAC Small affiche une baisse de près de 21% depuis le début de l’année alors que le CAC 40 n’est en repli (que) de 12%. En temps normal, ce ne serait pas aberrant de jouer un rattrapage sur les petites capitalisations. Mais c’est certainement trop tôt. En tenant compte du positionnement de la Réserve Fédérale américaine (Fed) hier, tout indique que le point bas du marché boursier n’est certainement pas encore atteint. Sans surprise, les valeurs les plus vulnérables sont les tech et les petites capitalisations.
Les résultats d’entreprises continuent avec Enbridge (transport et distribution d’énergie fossile), Société Générale, Intesa Sanpaolo, SoftBank, Amadeus IT Group (vente de services de voyage) et Duke Energy (distribution d’électricité).
Le rapport sur l’emploi aux Etats-Unis (pour le mois d’octobre) va être surveillé de près cet après-midi. Le consensus prévoit 200 000 créations d’emplois contre 263 000 en septembre (chiffre susceptible d’être révisé). Le taux de chômage est attendu en légère hausse à 3,6% contre 3,5% en septembre. Il s’agit du premier rapport sur l’emploi (il y en aura au total deux) avant la prochaine réunion de la Fed du 14 décembre prochain. Il est évident que le marché va surveiller tout ralentissement qui pourrait entraîner un pivot (mais c’est encore un scénario lointain).
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