2019 : le début d’un nouveau cycle
Christopher Dembik
Responsable de l'analyse macroéconomique
Résumé: Alors que la saison des fêtes est sur le point de commencer, le moment est venu de faire une pause afin de prendre un peu de recul par rapport à l’année écoulée. Elle a été marquée par la fin de la croissance mondiale synchronisée, la montée du populisme dans le monde occidental, et un environnement de marché beaucoup plus volatil. Nous retenons trois leçons de 2018.
Les gains à court-terme sont souvent les problèmes de demain. Grâce à une relance budgétaire massive et à la déréglementation financière, l’administration américaine a relancé l’économie – la croissance du PIB et des salaires dépasse 3% - mais cela s’est fait au prix de l’accroissement des déséquilibres. Le déficit du budget avoisine les 1000 milliards de dollars sur douze mois, un niveau sans précédent en période de forte croissance, et s’accompagne d’une hausse des risques financiers (dette des entreprises US). Tout cela nous fait craindre une fin de cycle assez compliquée. Le principal risque est que les Etats-Unis ne soient pas en mesure de mettre en œuvre une politique budgétaire contracyclique lorsque ce sera le plus nécessaire.
La guerre commerciale concerne les technologies de pointe. L’administration Trump s’est d’abord focalisée sur les déséquilibres commerciaux mais, au cours des derniers mois, elle s’est davantage focalisée sur les droits de propriété intellectuelle et les technologies de pointe. Le principal et premier objectif des Etats-Unis est de freiner l’inéluctable leadership de la Chine dans le domaine. Le prochain champ de bataille de la guerre froide entre les deux superpuissances sera la 5G, comme en témoigne l’action en justice contre Huawei. La 5G est une infrastructure entièrement nouvelle qui promet un débit plus rapide et une connexion haute densité – d’homme à homme, d’homme à machine et de machine à machine. La 5G véhiculera des communications sensibles, y compris des secrets industriels, ce qui fait de cette technologie une des infrastructures les plus critiques. Cela explique pourquoi l’administration américaine, ainsi que certains pays alliés, ont choisi de restreindre ce marché aux vendeurs chinois.
L’or retrouve son statut d’actif stratégique. Selon le World Gold Council, plus de 20 pays à travers le monde ont acheté de l’or depuis le début de 2017. Pour beaucoup d’entre eux, il s’agit d’une première depuis plusieurs décennies, comme c’est le cas pour la Pologne qui a acheté cet automne 13 tonnes d’or pour la première fois en l’espace de 25 ans. Le retour de l’or en tant qu’actif d’importance stratégique peut s’expliquer par plusieurs facteurs : de nombreux pays cherchent à acquérir une plus grande indépendance politique et financière (dédollarisation) ; l’or sert d’outil de hedging face au dollar du fait des craintes concernant le déficit budgétaire américain ; et il constitue un actif idéal pour se diversifier en période d’accroissement substantiel du risque politique.
L’année 2019 devrait marquer un tournant majeur pour l’économie mondiale. Nous entrons dans un nouveau cycle qui sera marqué par une croissance plus faible, un risque politique croissant, en particulier les élections européennes de 2019, un monde plus fragmenté et un lent déclin des Etats-Unis au profit de la Chine. Nous avons identifié trois thèmes majeurs qu’il sera crucial de surveiller l’année prochaine.
Le rôle de la Chine en tant que moteur de la croissance mondiale est central. Le stimulus chinois représente 34% de la croissance mondiale (soit l’équivalent du stimulus combiné des USA et de la zone euro), environ 70% de la croissance du secteur manufacturier dans l’Asie émergente, et la Chine est le plus important importateur de près de 50 autres pays. En conséquence, l’attention des investisseurs doit plus que jamais être axée sur la politique économique et monétaire chinoise. Depuis mai dernier, la Chine a assoupli sa politique monétaire, permettant à l’impulsion du crédit – principal moteur de la croissance - de revenir en territoire positif pour la première fois depuis fin 2016. Jusqu’à présent, la relance semble toutefois trop tardive et insuffisante, mais le pays devrait de nouveau davantage apporter un soutien bienvenu à l’économie mondiale à partir du premier trimestre 2019, sous l’effet de la série de mesures qui ont annoncées lors de l’Economic Work Conference qui a eu lieu mi-décembre et dont les cibles officielles ne seront dévoilées qu’en mars. Il faut compter sur des mesures de relance budgétaire ainsi qu’une ouverture plus grande du marché domestique, incluant une nouvelle baisse des droits de douane sur un panel plus large de produits.
L’évolution de la liquidité mondiale sera cruciale. Comme nous évoluons dans un monde basé sur le dollar US, la liquidité en USD est un facteur majeur d’évolution de l’économie et des marchés financiers mondiaux. Depuis mars 2018, on observe un ralentissement de la croissance de la liquidité. Cette dernière a atteint un point bas de deux ans. Cela indique clairement que la croissance mondiale ralentit, entrainant une détérioration de la situation financière, une hausse des coûts de financement en USD et un repli sur les valeurs refuge. Ce ralentissement explique en grande partie les turbulences qu’on connu les pays émergents au cours du printemps et de l’été 2018. Nous prévoyons que la liquidité va continuer de diminuer en 2019, aboutissant à une croissance plus basse que prévu par le consensus, et à un environnement financier plus complexe et volatil pour les investisseurs, notamment pour ceux qui ne sont pas habitués à des taux d’intérêt élevés.
Ce sera une année charnière pour les marchés actions. Une grande partie des mauvaises nouvelles liées à la conjoncture ou au contexte politique est déjà intégrée dans les prix offerts par le marché. Depuis janvier dernier, le ratio cours sur bénéfice pour le marché américain a chuté à 15,4, un niveau plus sain, et depuis la correction d’octobre, on observe une moindre grande dépendance du S&P500 aux six grandes valeurs technologiques américaines (les FAANGM – Facebook, Apple, Amazon, Netflix, Google, Microsoft). Néanmoins, il existe toujours une incertitude sur la durée de la pause que va vraisemblablement faire la Fed après la hausse des taux en décembre et, dû à une croissance plus faible des résultats l’an prochain (autour de 6%), il y a beaucoup moins de facteurs de soutien du marché que lors des précédentes années et notamment lors de la première partie de 2018. L’environnement de marché sera beaucoup plus difficile aborder et surtout, la certitude que nous avons, c’est que le resserrement quantitatif va aboutir à une volatilité encore plus importante.
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