Forte montée des risques récessionnistes
Christopher Dembik
Responsable de l'analyse macroéconomique
Résumé: Les Etats-Unis et la Chine pourraient opter pour un accord commercial de dernière minute afin d’obtenir le meilleur accord possible. Cela induirait un rebond des marchés financiers mais on aurait tort de croire que la Guerre Froide soit terminée. Les petites économies ouvertes, qui servent de baromètre de l’économie mondiale, confirment le risque d’entrer dans une période de faible croissance durable. Les vents contraires commencent à frapper l’Europe et les Etats-Unis.
Un accord de dernière minute après un nouveau sommet Trump-Xi
Il s’agit d’une mise à jour plutôt morose sur l’économie mondiale que nous écrivons ce jour. Nous nous attendons toujours à un accord commercial entre les Etats-Unis et la Chine (bien qu’il ne couvre toutefois pas toutes les problématiques). La probabilité qu’il survienne avant le Nouvel An chinois (fixé au 5 février) a fortement diminué au cours des derniers jours. Les négociations se poursuivent sans heurts majeurs : la Chine a fait de nombreux gestes en faveur d’un accord, notamment en promettant d’acheter jusqu’à 7 millions de tonnes de blé américain, et la réunion prévue les 30 et 31 janvier prochains entre le secrétaire au Trésor américain et le vice-Premier ministre chinois constitue un signal clairement positif qui a été bien perçu par les investisseurs. Toutefois, sur la base de décennies de négociations entre les Etats-Unis et la Chine, il semble de plus en plus probable que les deux partenaires optent pour un accord de dernière minute, justement afin d’obtenir le meilleur accord possible. Pour y parvenir, un nouveau sommet Trump-Xi pourrait être nécessaire d’ici le 1er mars (ce qui correspond à la fin de la trêve commerciale de 90 jours) afin de surmonter les derniers points de divergence en suspens. Un tel accord ne résoudrait pas tous les problèmes – nous sommes fermement convaincus que le prochain champ de bataille de la Guerre Froide sera la technologie de pointe, et notamment la 5G – mais il pourrait apporter un soulagement de court-terme aux marchés financiers.
Les petites économies ouvertes envoient un message très préoccupant sur la santé de l’économie mondiale
Entre-temps, les facteurs de risque augmentent, en particulier sur le front macroéconomique, ce qui signifie que le mois de février pourrait être encore tumultueux pour les bourses. En regardant de plus près les petites économies ouvertes, comme la Corée du Sud et les pays nordiques, qui constituent un bon indicateur de l’évolution de l’économie et du commerce au niveau mondial, nous observons des signaux d’alerte un peu partout. Le T4 2018 a été très négatif pour les économies fortement dépendantes du commerce international. La Corée du Sud, qui est réputée être une fenêtre sur l’économie asiatique et notamment la Chine, a vu sa production industrielle s’effondrer de 1,7%, une contraction plus prononcée que ne l’anticipait le consensus. Comme il s’agit d’un indicateur avancé de quatre mois de la production industrielle mondiale (hors USA), nous savons ce à quoi nous pouvons nous attendre pour le T1 2019 en termes de production industrielle. En ce qui concerne le Japon (une économie plus massive mais qui sert de bon baromètre du commerce mondial), la situation est encore pire. En décembre dernier, les exportations ont reculé de 3,8% sur un an, contre un consensus à -1,8%, et les exportations du pays vers la Chine se sont même effondrées de 7% sur un an. Il ne fait aucun doute que les données économiques de 2019 seront bien plus décevantes que ne l’anticipe le consensus, à moins que des mesures de relance rapides ne soient décidées afin de faire face au ralentissement à l’œuvre.
Le ralentissement économique sera plus long et plus important que ne le prévoit le consensus
Comme nous le savons tous, ou l’avons appris à nos dépens, le découplage économique mondial n’existe pas. Sans grande surprise, des vents contraires commencent également à frapper l’Europe et les Etats-Unis. L’indicateur avancé de l’OCDE pour la zone euro, conçu pour anticiper les points de retournement de l’économie dans six à neuf mois, a fortement diminué ces derniers mois, sous l’impulsion de l’Allemagne et de la France. Le taux sur un an a connu une dégringolade importante en 11 mois : il était de 0,5% au début de l’année 2018 et se situe désormais à -1,4%, soit son plus bas depuis octobre 2012, lorsque la zone euro était au cœur de la crise de la dette souveraine ! Nous constatons de fortes baisses dans les données de la production industrielle des principales économies européennes, mais notre vision la plus négative concerne l’Allemagne qui représente un tiers de l’activité industrielle en Europe. Le premier trimestre 2019 devrait encore être morose en raison de la dégradation du climat de confiance dans l’industrie automobile, de la Chine et du déclin de l’impulsion du crédit. Le seul espoir serait que le rebond attendu de la consommation au T2 renforce l’activité économique.
Bien que moins inquiétantes, les perspectives se détériorent également aux Etats-Unis, avant même de pouvoir évaluer l’impact exact du plus long shutdown de l’histoire américaine. L’indicateur avancé de l’OCDE pour les Etats-Unis est également en baisse. Le taux sur un an est actuellement en contraction à -0,4%. Fait intéressant, si l’on prend en compte le modèle de risque de récession de la Fed de New York, qui vient d’être mis à jour, il semble que le risque de récession ait sensiblement augmenté en trois mois. Il était à 14,1% en octobre, 15,8% en novembre et 21,4% en décembre, ce qui est le plus haut niveau depuis l’été 2008, comme vous pouvez le constater sur le graphique ci-dessous.
Malheureusement, un rebond de l’activité est très peu probable ce qui signifie, à notre avis, qu’elles seront obligées de rester dans une position attentiste plus long que prévu par le consensus. Nous devrions très rapidement avoir de nouveaux signaux en direction d’un biais accommodant en février, à l’occasion des auditions de Draghi et de Powell, respectivement devant le Parlement européen et devant le Congrès. La prochaine étape pour les banquiers centraux consistera à évaluer la réponse monétaire possible dans un monde d’importantes contraintes afin de stimuler l’économie. Le bon côté des choses, c’est qu’elles ne sont clairement pas à court de munitions.
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